La mode langagière habillerait-elle les mots et notre façon de nous exprimer ? Cette mode doterait-elle notre expression d’un certain sens qui pourrait nous échapper, comme le sable du sablier ? Enfin cette mode nous conduirait-elle dans des lieux où nous ne voudrions pas aller, si nous savions que ce n’est pas bon pour nous ?
Partons en
observation avec nos oreilles attentives et posons-nous quelques
questions.
Les mots et
expressions
Voici
quelques mots, expressions, éléments
de langage, qui
sont « tendance » :
-
Vite,
rapide, rapidité,
urgent.e,
pressé.e,
pas le temps, j’ai hâte,
dépêche-toi.
L’idée de vitesse est omniprésente. Peut-être qu’elle-même va tellement vite qu’à l’image d’une fusée, tu n’as même pas le temps de la voir passer !
Elle
revêt aussi
les mots :
- Productivité : elle a augmenté ou
diminué c’est selon ; ainsi les rendements agricoles ont été
affectés par le changement climatique, la productivité agricole a
baissé.
- Prompt : c’est l’ordre que tu donnes à
Chat GPT et l’une de ses qualités, il écrit tellement plus vite
que toi.
- Efficacité, accélération, course, sprint, turbo,
fulgurance, déferler, se propulser, fusée, flèche, galoper,
course-poursuite, éclair.
- Mais aussi du côté sombre de la
force : impétuosité, impulsivité, précipitation,
fébrilité.
Si tu veux jouer, amuse-toi à compter combien de
fois tu entends l’un de ces mots dans une journée.
La
vitesse c’est certes
grisant. Mais quand tu
roules très
vite, en dehors de cette sensation d’excitation
intense égocentrée,
tu ne vois
pas grand-chose des paysages que tu
traverses.
L’urgence :
c’est le summum de l’obligation d’aller vite, sinon tu
meurs, ou un autre meurt ! Mais dans la réalité qu’est-ce
qui est vraiment urgent ? Car s’il y a de vraies urgences, il
y a beaucoup de simili-urgences, fabriquées de toutes pièces.
Ce qui est vraiment
urgent c’est :
- Quand la vie est menacée. A noter que
la guerre aussi crée artificiellement énormément d’urgences
vitales.
Quand les conditions de vie deviennent menaçantes
pour les personnes ou les biens : inondations, canicules, incendies...
-
Et dans une moindre mesure les dérèglements de nos conditions de
vie harmonieuses ou sécure habituelles : les pannes en tous
genres.
Les conseillers en
productivité recommandent de
se mettre en état d’urgence, pour
travailler suffisamment et surtout de ne pas procrastiner.
Faut-il simuler une
rencontre du 3ème type imminente,
pour se booster,
ou bien se motiver suffit-il amplement ?
La
pression : vouloir
tout faire en un minimum de temps, n’est-ce
pas bâcler en vérité ?
Pour exécuter une
tâche rapidement et bien, il faut s’être entraîné, avoir répété
et répété encore.
Il existe bien quelques exceptions qui
relèvent du comportement intuitif, mais c’est rare.
Ne jetons
toutefois pas le bébé avec l’eau du bain, un peu de pression peut
s’avérer bénéfique pour des dépassements porteurs de sens,
respectueux de soi, du groupe et de l’environnement.
Avancer :
la
nécessité d’avancer semble une évidence, oui
mais dans quelle direction ? Pour quoi faire ?
Quand
un être humain marche, il avance. A
partir d’un point fixe il peut avancer dans toutes les directions.
Le message « il faut avancer »,
« on a avancé », exprimé ainsi de façon tacite
ne signifie rien, sans éléments pour
l’étayer. De la poudre de
perlimpinpin !
Cette
absence de contexte évite peut-être
aussi de préciser que la direction dans laquelle certains ont
avancé, ne convient pas à tout le monde.
La
productivité : au boulot tu dois être
productif, c’est devenu une obligation
explicite et honte à toi si tu ne l’es pas.
Tu dois travailler vite et bien et avoir les résultats qu’on
attend de toi. De toutes façons la
probabilité que tu sois aussi productif qu’une machine, doit
frôler le zéro.
Réfléchissons
quelques minutes. Pourquoi faut-il être productif ?
A une
certaine époque produire plus avait pour finalité de permettre à
un maximum d’êtres humains d’avoir de meilleures conditions de
vie matérielles et accessoirement d’enrichir les entrepreneurs qui
s’étaient lancés dans cette aventure productive ;-)
Il
ne faut pas confondre produire qui est un mot voisin de créer,
exception faite de la nouveauté et surproduire. De même qu’il ne
faut pas confondre consommer ce dont nous avons besoin et
surconsommer. Alors où se situe la frontière ?
Comme il
ne faut pas confondre travailler pour faire
sa part en contribuant à la société -
ce qui semble normal dans le double mouvement de donner et de
recevoir- et flirter avec le burn-out,
en outrepassant
ses limites physiques et mentales. Tout le monde n’a pas les mêmes
limites, les mêmes capacités, elles
varient selon les domaines.
Tout
est une question de niveau, de degré
et au fond de respect ajouté à de la
réflexion, non ?
Après tout, si tout le monde emploie ces mots à tort et à travers, pourquoi pas soi, pourquoi pas toi, n’est-ce pas ? Tu veux faire comme tout le monde : être à la mode, dans le vent qui balaie tout sur son passage ?
Les figures
de style
L’usage des mots
qui activent dans un certain sens est une chose. Pour aller plus vite
on (toi, moi, nous,) supprime aussi des mots, on rétrécit les
phrases. Nous nous exprimons à la va-vite selon certaines figures de
style.
Les
omissions : le mot "omission" désigne le fait
de laisser délibérément quelque chose de côté, de ne pas inclure
ou de ne pas faire mention de quelque chose qui devrait normalement
être pris en compte ou mentionné. Cela peut être une action
volontaire ou involontaire de ne pas faire ou de ne pas dire quelque
chose.
Un vendeur de
voitures d'occasion omet de mentionner les défauts majeurs d'un
véhicule à un client potentiel lors de la négociation. Selon vous
que risque-t-il de se passer ?
Dans le roman
« Madame Bovary » de Gustave Flaubert, l'omission joue un
rôle important. Par exemple, Emma Bovary éprouve un profond ennui
dans sa vie conjugale avec Charles, mais elle choisit de ne pas
exprimer ses véritables sentiments à son mari. Cette omission
contribue à la détérioration de leur relation et alimente le drame
qui se déroule tout au long du roman.
Les troncatures : la troncature dans le langage désigne l'action de raccourcir un mot en supprimant une ou plusieurs de ses syllabes ou lettres. Cela est souvent fait dans un contexte informel ou familier pour simplifier ou abréger le mot ou dans un contexte professionnel pour gagner du temps.
Exemple : télé, frigo, bécot, labo, prof, doc, admin,
ordi...
Dans un contexte de communication professionnelle :
« J'ai besoin de plus d'info sur ce projet avant de prendre une
décision. »
A la différence d’une troncature,
une abréviation est une forme raccourcie d'un mot ou d'une
expression, généralement obtenue en supprimant certaines lettres du
mot ou de l'expression originale. Les abréviations sont souvent
formelles et acceptées dans le langage écrit. Par exemple, « Dr. »
pour « Docteur ».
Les omissions et les troncatures font a priori gagner du temps quand elles ne relèvent pas de l’évitement. Hélas, les mots en moins laissent davantage d’espace aux malentendus et autres incompréhensions. Pas sûr qu’on gagne du temps au bout du compte, mais des conflits et de la bagarre, ça oui !
Sommes-nous
influencés par les machines dans notre propension à raccourcir
?
Est-ce qu’on ne
tend pas à parler à la manière des machines ?
Bien que
le télégraphe ait pratiquement disparu, le langage en style
télégraphique, lui, a survécu. Réduit au minimum, il associe des
mots sans liaison. C’est aussi une technique de prises de notes
rapides qui utilise des mots clés pour résumer les idées
importantes.
Qu’en
est-il du langage machine ? Le langage machine, aussi appelé
code machine, est le langage de bas niveau utilisé par les
ordinateurs pour exécuter des instructions.
La
machine doit exécuter les ordres qu’on lui donne, le plus vite
possible.
Voilà à quoi est destiné un langage ultra réduit.
Donc au diable les détails qui prennent trop de temps ! Pas le temps de prendre son temps, focus sur l’essentiel, les grandes lignes c’est ainsi que l’on appelle les lignes des trains les plus rapides comme celles du T.G.V.
Et si derrière les mots et les expressions se cachait le sens
de ta vie ? Et plus largement le sens de notre vie en société ?
Aller vite, encore
plus vite, mais pour quoi ? C’est la question essentielle.
Que dis-tu quand tu dis : « je n’ai pas le temps » ?
Dis-tu :
aujourd’hui j’ai établi d’autres priorités mais nous allons
trouver un autre moment pour passer du temps ensemble.
Dis-tu
sans le dire : cela ne m’intéresse pas que nous passions du
temps ensemble.
Dis-tu : je suis submergé.e par tout ce
que je pense devoir faire et je dois sacrifier ce temps de partage
avec toi.
Parce que le temps, c’est du temps de vie. Dans
l’ensemble nous sommes libres de choisir ce que nous faisons de
notre temps de vie ou nous devrions l’être.
Que dis-tu
quand tu dis : « je suis pressé.e. ». Pressé.e par
qui ? Pressé.e par quoi ?
Par ton travail, tes
enfants, tes parents, par ton désir de gagner davantage d’argent ?
Le fameux « Travailler plus pour gagner plus ».
Cela ne fonctionne pas toujours, les manifestations sociales récentes
des agriculteurs en sont la preuve.
Charges-tu à bloc
ton emploi du temps ?
Comme si tu voulais
bourrer au maximum le tiroir de ton bureau ou de ta table de nuit
jusqu’à ce qu’il ne s’ouvre plus.
Veux-tu faire un
maximum d’actions dans un minimum de temps ? Comme une pieuvre
aux mille tentacules ?
Veux-tu
faire plus, accomplir plus pour
te sentir indispensable, ou
héroïque ?
Est-ce que tu
souhaites vivre plusieurs vies dans une ? La tienne ne te suffit
donc pas.
Le potentiel est effectivement vaste. Tant de choses
possibles sont offertes à nos yeux et à notre connaissance. Mille
désirs éveillés par des milliers de choses peu ou pas utiles.
Mille facettes du puissant désir d’exister plus, en possédant
plus.
Qui veut ressembler aux personnages importants qui
sont toujours pressés et n’ont jamais le temps ? Y-a-t-il une
tentative ou une tentation de reproduction inconsciente -et
inadéquate- des modèles de leaders dont la médiatisation
montre qu’ils réussissent au-delà de la moyenne ?
La sagesse ne
serait-elle pas de se contenter, de se satisfaire de sa vie, de poser
des limites aux trop nombreuses sollicitations pour mieux se
consacrer aux vrais choix porteurs de sens pour sa vie ?
Du « vite »
découle le « plus ». Mais rarement le mieux, le hiatus se
situe exactement ici.
Qui détient un
record significatif de consommation d’anxiolytiques, anti-dépresseurs,
excitants et autres substances régulatrices d’un excès de
stress ? Les français.
Du « vite »
découle aussi l’impatience, ce défaut répandu qui nous fait
vouloir tout, tout de suite selon le principe virtuel du bouton
magique. L’amnésie sociale est totale. L’exemple le plus
quotidien, le plus banal, est celui de l’expresso. Qui en buvant son
expresso ressent de la gratitude ? Parce qu’il ou elle se
rappelle qu’un caféier a été planté, cultivé, que les grains
de café ont été récoltés, transportés, torréfiés, que l’arôme
est extrait par une machine qui a été conçue, fabriquée,
améliorée à de nombreuses reprises. Le grain de café vit une
longue aventure avant d’arriver solubilisé dans la petite tasse
qu’une personne vient nous servir, le plus souvent aimablement et
parfois en courant !
(Et encore j’ai
simplifié).
Quand la trop forte production matérielle
nous ensevelit sous un monceau d’objets dont certains seulement
sont vraiment utiles, la productivité appliquée à l’être humain
l’use, le lamine, le détruit.
Quand le « vite » et le « plus » s’accompagnent de la perte du sens de la cohésion sociale, de la santé, de la qualité de vie, ils finissent par coûter plus cher qu’il ne rapportent.
Pour terminer, de façon disruptive et légère : heureusement l’amour existe !
Un livre de saison, s’il
vous reste du temps pour
aimer !
Histoire de faire un
peu et passionnément, la promotion de l’un des livres dont je suis
l’autrice, je vous invite à considérer la Saint Valentin comme la
fête de l’amour du couple, l’occasion de raviver la flamme, de
se dire les mots doux que l’on oublie parfois pris par la routine
du quotidien.
Vous êtes encore, ou de nouveau amoureux, vous
avez envie de l’être ?
Alors les Petits poèmes glamour vous attendent.
Souvent quelques
mots choisis, réunis dans un petit poème, suffisent pour allumer des étoiles dans les yeux de l’être
aimé.
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Photo par Jimmy Chan sur le site Pexels